DAY 660 | Attente & Guet


Grindr nous a tuer

Rien n'égale un échange de regards univoques dans le métro, un bar, un lieu de travail, un espace de convivialité, comme un train, un avion, une plage, une bibliothèque, un cinéma ou une piscine municipale. Les premiers regards appuyés, les sourires godiches ou téméraires, les premiers mots, les banalités d'usage, les conversations poussives entretenues de part et d'autre à grand renfort de questions ou d'intérêts quelquefois feints. Souvent, mais pas toujours, les échanges de prénom, et puis, parfois, les mains qui s'effleurent, comme par accident. 

Le tutoiement.

A un moment quelconque de la conversation uniquement défini par l'opportunité, poussé par l'espérance et bien d'autres choses encore, l'un des protagonistes esquisse l'ébauche d'une stratégie.

- Tu reprends un café ? Tu descends à quelle station ? Tu bosses dans quoi ?

Cette stratégie a d'abord pour but de mesurer le désir de l'autre, cet inconnu, d'élargir si possible la fenêtre temporelle qu'on a ouverte ensemble, de s'assurer de sa volonté de nous consacrer un peu plus de temps que ne l'exigent la politesse et les conventions sociales. Si cette stratégie du "tout pour le tout" ne se solde pas par une débâcle, on déroule son emploi du temps pour l'heure à venir, la soirée, peut-être le weekend. On se débrouille alors pour trouver le point spatio-temporel qui permettra de donner tout son sens à cette première rencontre, de lui dévoluer sa pleine finalité. 

On échange des numéros de téléphone. Ou on prend sa voiture, un taxi, le bus ou le métro pour se rendre chez "l'autre", celui dont on connaît tout juste le prénom, mais dont on va découvrir pendant quelques heures l'intimité, celle que notre imagination construit avidement depuis le début de notre télescopage, mais également l'intimité de son existence, de sa personnalité, de son univers, cet univers insoupçonné qui nous surprend toujours, nous désarçonne parfois, composé d'étoiles fixes, de soleils, de planètes, de comètes cycliques et de masses gazeuses, une galaxie qui n'est pas la nôtre, dont nous ignorons tout et dont l'agencement, notre position en son sein décideront finalement de l'avenir de notre relation, notre Mare Nostrum. Simple démangeaison de braguette évanouie dans un spasme ou envie, désir, nécessité absolue de se revoir ? Nul ne le sait encore. Seules nos cogitations sur le trajet du retour augurent du pronostic vital de cette incursion cosmique d'une heure, d'une nuit ou d'un weekend.

Ce pronostic vital est-il engagé ? Nous le savons déjà, n'est-ce pas ?

Bel ami, lorsqu'à ton tour tu arriveras à ma porte, ne m'appelle pas, ne me texte pas : Tire la chevillette et la bobinette cherra.


























































Photos by Carlton (Instagram)
Carlton Club (prints, digital sets)




GRINDR
ou
L'Amour Courtois

slt
ta dautre photo?
nu?
actif?
TBM?
cm?
endurant?
tu resois?
ok
tkt

*click*






Disclaimer
If you are the copyright owner of a photograph, video, artwork, text posted to this nonprofit blog and want it removed or credited, please do not hesitate to contact me at mynarrowcorner@gmail.com
and the item(s) will be promptly taken down or credited. Thank you.



Comments

  1. On a été gâté aujourd'hui : du texte et des photos . Seulement " un échange de regards " ne peut aller , me semble-t-il , avec "univoques" mais avec "réciproques" .
    Chaque regard est univoque , un échange est réciproque .

    ReplyDelete
    Replies
    1. Merci de votre commentaire.
      "Univoque" a été choisi à dessein : qui garde toujours le même sens, la même signification (opposé à ambigu, équivoque, plurivoque). De fait, un échange réciproque peut être équivoque. Tout ici est dans l'intention portée par le regard.

      Delete
  2. "le temps ne s'écoule pas pareil pour des observateurs se déplaçant l'un par rapport à l'autre" et pourtant ici vous évoquez une histoire d'ouverture de porte de conversation à la façon d'un chaperon rouge alors que nous nageons tel le poisson rouge dans son bocal -smartphone, écouteurs visés aux oreilles- et pourtant , dans mon petit monde si lointain dans un endroit appelé petit coin chez nous , trône si j'ose dire une affichette portant les mots "Tirez la rubannette et l'eau coulera"

    ReplyDelete

Post a Comment

Make my day!

Popular Posts (Last 7 days)